Toile d'Isabelle Becker
Artiste de Strasbourg,
illustrée par les mots de Domi Damian
Souffle Eole Rouge
Ballerine,
Géante Sanglante
par-dessus les Monts
All Wetter Pneu Tout
temps,
Quand reviendras-tu
Nachbarinn ?
Domi Damian,
un jour de novembre à Vienne.
Plume voyageuse à découvrir
sur son site Scribendo.
Toile d'Isabelle Becker
Texte de Milène Tournier
Marche comme le serpent -
Que sa jungle fait glisser,
Et qui ignore le ciel.
...
Blottis ton écoute
Dans mon oreille
Comme l’animal revient
À sa tanière.
...
Dieu a posé
Les couleurs
Et seulement après, les traits.
...
Le vide
N’a lieu
Que dans ton œil.
Milène Tournier, auteure des recueils "Poèmes d'époque" (collection Polder de la revue Décharge), "L'autre jour" (Editions Lurlure)...
Toile d'Ema Courtois
Texte de Zohra Mrimi
Je cherche un endroit étranger où la gelée
porterait la belle transparence d'une robe d'été
L'étoile serait une femme, une fée offrant
sa lumière aux lucioles
Un endroit inconnu où toutes latitudes
vagabonderaient comme des folles et perdues,
Les montagnes, de gros yeux amusés
Un endroit interminable où les roses fermeraient
les paupières trop lourdes des veufs esseulés
Il vint au monde
Etranger au monde
Il ne connaît pas l'immortalité
Ni la passagère sérénité
Ses vêtements sont cousus d'eau et d'air
Il est familier au ciel et à la mer
Et à la terre, il enfonce ses racines
Zohra Mrimi, auteure du recueil
"Le jour fait l'adieu" (Editions Z4)
Toile grand format d'Ema Courtois
Texte de Dominique Bergougnoux
Enjamber les crevasses
arpenter les anfractuosités
emprunter le chemin des racines
de la sève et des branches
Marcher vers la lumière
les pieds dans la glaise
et se rêver oiseau
aux ailes déployées
Créature du souffle et du vent
Dominique Bergougnoux, auteure de multiples recueils dont "Où sont les pas dansants", "Empreintes" (Ed. Graine de vent), "Dans la tempe du jour" (Ed. Alcyone),
"Il faut apprendre à voler" (Ed. Al Manar)...
Texte et photographie
Pons Makiese
Réfugié politique au Cada de Savigny
Mon pays m’englue
Est-ce un pays qui tue ?
Qu’est-ce qui se passe ?
Je ne me sens pas efficace
Je ne me sens pas à ma place
Devrais-je aller aux Bahamas ?
Parce que le Congo me fatigue
Je déteste ce Congo de Fatshi
La pauvreté me châtie
Rester ici serait du gâchis
Je refuse de souffrir en silence
Alors je reste en mode vigilance
Toujours à la recherche des finances
Dès que j’en trouve je me lance
Je veux pas de Bahamas et Bali, J’irai à Paris
Je veux pas Alice et Magali, J’épouserai Imany
Ö Kinshasa ! Ö Kin La belle ! Ö Kinshasa Ville Mama
Que je m’arrache, mais où irai je sans la famille ?
Que je la laisse mais je te parle pas de la maladie
et de la famine
Je te présente mon pays qui me tue
Là-bas les gens sont maigres
Les dirigeants sont maîtres
Les opposants des traîtres
Dans notre propre pays on est maltraités
Par des étrangers des infiltrés
Ils veulent qu’on reste pauvre pendant qu’ils empochent,
Ils ont troué nos poches et nos caboches
Venu de Kinshasa
Atterri à Paris comme ça
Au pays de la Tour Eiffel
Le jeune congolais tout frêle
J’aimerais marcher à nouveau
J’aimerais marcher à nouveau
Pour ma famille oui ma famille
On est rongé par la famine
Je m’en sortirai, y a de l’espoir
Je tuerai tout signe de désespoir
C’est comme ça que je marcherai à nouveau.
Pons Makiese
Toile de Claude Bolduc
"Un pas à la fois", 2016
" Il faut beaucoup de courage à une jeune fille anorexique pour se libérer de la souffrance et marcher à nouveau... "
Texte de Marine Levaray
“Tu ne sers à rien”
Pourquoi suis-je si différent ?
“Ils m’étranglent”
Pourquoi suis-je incapable de les repousser ?
“Ils me frappent”
Pourquoi suis-je en train de m’envoler ?
J’ai peur.
Je ne peux plus marcher. Je ne peux plus avancer. Je ne peux plus respirer. Je ne peux plus continuer.
Serait-ce lâche que de sacrifier son âme pour ne plus ressentir la douleur de leurs mots ?
Pourquoi cette solitude omniprésente m’empêche de parer leurs coups ?
Brisé.
Anéanti.
Renfermé.
Mort.
Encaisser. Telle est la solution.
Puis vient une lueur. Un espoir. Une lumière. Une chance à saisir pour les inciter à arrêter.
J’ai la rage de vivre.
Puis vient la réussite. La fierté. Le bonheur. La force à saisir pour un nouvel envol.
J’ai envie de vivre.
Je vais vivre.
Depuis, la muse grâce à qui, ce texte existe, vit.
Marine Levaray, étudiante en Essonne (91).
Texte et photographie
Jean-Luc Raharimanana
La pierre de Vouivre
(Mont Beuvray)
La pierre de Vouivre sur le Mont Beuvray.
Le Vouivre est un dragon figé, faussement figé, parfois il secoue son corps et s’envole. En-dessous alors, une tanière remplie d’or et de richesse…
Croire au corps de roche qui ouvre ses ailes de pierre.
Ne rien médire de l’œil qui ment au soleil, voici le haut vol qui coule à pic dans l’azur…
Jean-Luc Raharimanana, auteur de 18 recueils, dont Rêves sous le linceul, Les cauchemars du gecko, Empreintes (Ed. Vents d'ailleurs), et le roman Revenir (Editions Rivages)
Premier lauréat du prix Jacques Lacarrière.
Texte et photographie
Astrid Waliszek
"Les sorties, c'est à partir de dix heures.", dit l’infirmière. Une toute petite phrase et me revoilà à dix ans, comme à attendre le Père Noël ou l'autorisation de sortir parce qu'enfin il faut beau dehors et que je ne rentrerai pas les pieds boueux. La maladie, c'est de l'enfance en soi, c'est l'impuissance de l'enfance, à se demander s'il y aura quelqu'un, là, pour vous prendre dans ses bras, pour vous donner le médicament qu'il faut, pour vous dire ça va, t'es vivante, tiens, mange.
Puis « radio à 11:45 » donc prévoyez de partir vers 13:00". Aucune importance : l'impatience et la joie de l'enfance ont eu lieu un instant, le reste c'est du quotidien ordinaire.
Il est 15 :00. Je marche le long de mes chemins préférés."
Astrid Waliszek, auteure du roman "Topolina" (aux éditions Grasset), des recueils "A peine assez de mes bras", "Ombres nomades", "Les lucarnes de désir" (Ed. Jacques Flament)...
Texte et photographie
Perrine Le Querrec
L'échange
J’échange
Le mur contre la vallée
La minute contre le bourgeon
Je soulève
La pierre non plus les épaules
L’esprit non plus la survie
Je dénude
Ma tête sous la pluie
Ma langue devant l’infini
Photographie de l'endroit que j'aime le plus arpenter. Ce sont les bords de la Creuse, dans l'Indre.
Perrine Le Querrec, auteure des recueils "Ruines" (Ed. Tinbad), Les Tondues (Ed. Z4), Rouge Pute (Ed. La Contre-Allée), Vers Valparaiso (Les Carnets du Dessert de Lune), et en mars 2021 "Feux" aux éditions Bruno Doucey...
Texte et photographie
Isabelle Guilloteau
Gravir la falaise de grès
Jusqu’à l’entaille de la roche
Miroir de strates dépliées
Aux secrets révélés par l’eau
Le regard à l’état brut
En perspective inversée
S’enraciner au sommet
Dans la lumière des failles
Et les lèvres du silence
Isabelle Guilloteau, auteure de poèmes et nouvelles dans les revues Cabaret, Dissonances, Diptyque, et l'anthologie "Vous venez de loin ?" (Ed. Peigneurs de comètes), son texte "Annihilation" a obtenu le premier prix des éditions Grimal. A aussi créé l'un des textes de l'album "Séquelles" d'Hubert-Félix Thiéfaine.
Texte et photographie
Florence Issac
Des vieux paysans
Admire la tendre affection
De leurs béarnaises
Des siècles passés
A façonner la race
Patrimoine rare
Fière et robuste
Elle sillonne les Pyrénées
Pentes et vallées
Tout doux prends ma main
Aie une épine dans mes bottes
Les vaches dans le pré
Florence Issac, auteure de nombreux recueils aux éditions L'échappée belle, "Le Passage", "Juste un peu d'amour avant la fin", "La fissure" (Editions Lettres du Monde), "Le mensonge" (Editions Unicité)...
Texte et photographie d'une rivière de la Drôme
Isabelle Contentin
Les Rives de la Solenzar
Sur les rives de la Solenzar,
Revenue de tout, j'ai pleuré.
Le deuil en ces lieux m'emmenait,
Il n'y avait pas de hasard...
Sur la rivière, longtemps avant, j'avais aimé.
Dessus l'eau claire, nous étions deux sur les rochers.
Dans ce mystère un peu mouillé j'avais un frère.
Dans la rivière, seule sur les pierres, je suis couchée.
Lit de noces et lit de deuil s'y sont mêlés.
Inanimée, je dois subir un laisser-faire.
Sur la rivière, l'air invisible s'est posé.
Autour de moi, une fraîcheur s'est déployée.
Témoin j'en suis, et l'eau si pure reste claire.
Mon existence, à tant de beauté s'est mêlée.
L'air fait sortir ma joie que mes larmes exaspèrent.
Le présent fait mourir les ombres du passé.
Je n'ai pas fermé mon regard,
Sous les étoiles j'ai prié,
Vie et mort se sont emmêlées
Sur les Rives de la Solenzar.
Isabelle Contentin est pianiste et musicothérapeute, auteure du récit poétique "La vie retrouvée" (illustré par Karina Mitrecey).
Texte et dessin
Thierry Le Floch
Nous marcherons à nouveau
Déjà la nuit avance emprisonnant le jour
Sur cette terre obscure nos pas battent le rythme
Le chemin mal connu dans les bois de l’été
Aux heures oubliées recherche son destin
Il tremble de trouver le néant, son silence
Les ombres invisibles s’évanouissent d’impatience
Tout un monde tressaille sous le cri de la chouette
Nous marchons à grands pas dans ce pays secret
De calme et de silence son cœur pourtant tressaille
Notre aventure tranquille épuise lentement
La rumeur et l’absence de la vie animale
Traquée et mystérieuse jamais apprivoisée
Marcher à pas de loup ne ferait pas de mal
Avançons à nouveau sous un ciel grand ouvert
L’appel à la lumière n’est plus un sortilège
Quand de nos pas unis nous traquerons la nuit.
Thierry Le Floch
Texte et photographie
Roberto Russo
Balade métaphysique
J'aime me balader dans la beauté et l'harmonie qui poussent dans le jardin d'un amour pur.
J'aime me balader parmi les silences de l'âme qui ressemblent à la profondeur immense de l'espace cosmique éclairé par des millions de bougies allumées.
J'aime me balader discrètement dans ton cœur si tu me fais de la place.
Je suis un rêve oublié, une chanson encore à composer, le miroir d'un souhait inachevé.
J'aime me balader sur le chemin de la lumière, accompagné par la musique de la vérité.
Roberto Russo est réalisateur, né à Cerignola dans Les Pouilles. En 1996, il invente "Mobil Tv" à Rome, la première télévision de rue. Vidéoclip "Good-bye Paris" avec Mikelangelo Loconte, des documentaires "De la mer aux étoiles" dédié au poète Potito Occhiobianco, "La vérité ultime" pour le compositeur Franco Battiato.
Photo: Pajottenland (Bruxelles), Juillet 2020, photographié par Valine Vermylen.
Texte et photographie
Jamal Maraou
De longs mois la tête dans les ténèbres
Tout tenter, demander de l'aide comme si j'avais la lèpre
Ne pas trouver, retenter, échouer
J'ai compris que la règle d'or pour survivre est ici : je ne devrai jamais me résigner
Jamais jusqu'à ce je trouve enfin comment me libérer
Le calme mis à rude épreuve je suis comme un bouillon
Après de longues semaines mis sous tension
M'être vidé de mes larmes de mes émotions
Je l'avais enfin trouvée cette solution...
Après huit mois la tête sous l'eau
J'enfile enfin ma paire d'écouteurs pour me balader
et marcher à nouveau.
Jamal Maraou participe à la création des films poétiques sur les recueils de Zohra Mrimi ("Le jour fait l'adieu"), Eric Pessan ("N")...
Texte et photographie d'Istanbul
Laurence Pastor-Krasnopolsky
Finis terrae, marée allée, marée basse, marcher
Les pieds nus sur l'estran, entre algues et rochers
A fleur de peau sentir mer et terre conjuguées, et
Se laisser hanter par d'anciennes cités
Marcher-rêver, rêver marcher.
"Un soir de demi-brume à Londres" frôler
Le mal-aimé, vagues de briques enfin tombées,
Puis de cosaques en zaporogues sur ce quai débarquer
Près du Bosphore à Istanbul où vont longuement s'attabler
De grandes famille ottomanes gourmandes de poissons grillés.
Faire des courses, via Garibaldi, à Venise, marché flottant
Traverser les Giardini, franchir le pont, atteindre soleil couchant
Sant' Elena, son petit bois,
Et enfin, face à la lagune, tout simplement, choisir un banc.
Laurence Pastor-Krasnopolsky
Roscoff, Finistère.
Texte et aquarelle "Croq'café"
Charlotte Massip
Café d’ici, café des rues du monde, vous n’êtes plus.
Evaporé le paysage de vous,
mes décoiffés de la nuit, mes autres « fermés » sur leurs écrans, ces autres, plus rares, enfouis dans des feuilles de chou,
envolés aussi les flâneurs récoltant la rumeur du jour au comptoir
Disparu mon crayon rapide et concentré vous caressant sur une feuille de papier, celui-ci, puis cet autre là.
Fini « la rue » qui s’offre devant les pages de mon cahier, finie cette vague écumante.
L’attente des portes qui se libèrent, l’attente de « ces solitudes » assoiffées et aimantées par l’odeur du café rassembleur.
Voyages de demain..
Charlotte Massip,
artiste graveur et plasticienne.
Texte et photographies
Nadia Mohamed
Le lac
Maison, toujours maison qui est notre joli cocon. L’habitude de passer ses journées dans ce lieu intime et cosy est sans limite.
Un enracinement grandit et se construit sans soucier de ce qu’il se passe dehors.
Or, je décide, avec motivation, de briser cette journée monotone, en me préparant pour sortir et me balader un moment.
C’est parti, descente des marches et hâte d’apercevoir ce lieu sympathique et paisible à quelques pas de la maison.
Le froid se fait ressentir, les mains dans les poches et le visage est à moitié couvert.
Je marche, je marche et soudain je croise les passants, leur chien, les enfants, les vélos, les voitures, le bruit : la vie.
Je passe devant les pédalos qui sont malheureusement hors services. Ils sont couverts de tâches, de saletés, et sont occupés par les mouettes et les canards.
Je longe le lac, puis regarde les habitants de ce lieu qui me fascinent. On retrouve les petits canards, les cygnes, les oies, les mouettes et les pigeons.
Ressentir les muscles se réchauffer en marchant : Quelle ancienne sensation !
Puis je me pose sur un des vingt bancs alignés face au lac. Faire une pause et respirer tranquillement en ayant la vue sur l’eau.
J’aperçois les vifs passages défilés devant moi. Des personnes marchant à pas décidés et rapides sans tourner leur tête, comme si le lac était invisible. Pourtant, qu’est-ce qu’elles sont bruyantes ces mouettes !
Cet endroit m’avait bien manqué.
Marcher à nouveau est un privilège, marcher à nouveau nous fait du bien. Penser et marcher librement nous permet de s’évade de la routine.
Nadia Mohamed
Future professeure des écoles en Seine-Saint-Denis
Ancienne étudiante du lycée Voillaume d'Aulnay-sous-Bois.
"Confidences de sabots de bois"
texte et photo de Gaëlle Godart
Mes petits pieds bien chaussés me conduisent vers mes possibles rêves de contes de fées, de prince charmant. Pourtant amour impossible, je le sais. Surtout ne rien attendre. Mais, dès que je les enfile, alors commence le voyage. Un peu comme dans le magicien d’Oz, me voilà transportée. Ah ! Mes petits sabots adorés. Un claquement de talon, un petit pas devant moi, et hop ! À moi le bonheur, l’amour, le monde arc-en-ciel.
Souvenirs de rencontres amoureuses, d’été indien, de printemps naissant. Et toujours vous beaux et lumineux à mes pieds. Quel talent, vous avez d’affiner mes jambes, comme si je marchais sur des petits nuages cotonneux.
A d’autres instants, vous m’accompagnez dans des balades solitaires et m’emmenez vers des endroits à couper le souffle, où je rencontre « il » avec ses doux yeux bleus, son parfum d’orange amère, son teint abricot, et son âme d’enfant. Qu’il est beau avec son regard rêveur.
J’ai compris que pour le séduire, il me fallait retirer mes sabots, et marcher pieds nus. Comme une fée, sur la pointe des pieds, je m’avance vers lui, pour le surprendre.
L’amour sera-t-il au rendez-vous ? Comme une équilibriste, je ne sais plus, je suis perdue. Chut, sabots à la main, sur un tapis d’automne, petits pas par petits pas. Quelle énergie se cache dans mes sabots de bois. Ils font corps avec moi, ils sont le lien continu entre le sol et moi. Ils nourrissent ma façon de m’asseoir, de marcher, de croiser mes jambes. Ils sont racines et continuité de cette forêt. Lorsque je les ai aux pieds, je suis nature et arbre. Je suis des leurs. Leurs parfums boisés alors m’envahissent et me donnent force.
Était-ce par rapport à cette légende tant de fois racontée. Je me rappelle que ma grand-mère me la contait si bien. De génération en génération, un petit sabot décoré était accroché au mur. On y rangeait le nécessaire pour prendre soin de nos souliers. Intriguée et passionnée par cette histoire de sabot, d’amour et de mariage, je lui voue un amour particulier. Quand les traditions et légendes religieusement conservées en souvenir de mes aïeux. Les sabots de leur battement de cœur possèdent en eux cet amour éternel.
Photographie d'Eric Rulliere
illustrée par les mots de Marie Berchoud
"Marcher à nouveau - avec et pour lui, l'autre inconnu,
C’est l’hiver, nous marchons en donnant la main à ma mère, mon frère aîné d’un côté, mon cadet et moi de l’autre. Et le filet à provisions quelque part sur son bras de mère. Ce doit être la sortie de l’école maternelle, le Clos Morin à Dijon. Un homme de haute taille, sans doute Algérien, travailleur émigré, nous regarde venir et, à vue, il dit à maman, « comme ils sont beaux, vos petits ! Moi aussi, là-bas… », puis il abrège sans doute à cause de l’émotion, qui me vient aux yeux en racontant. Il se baisse, nous tend des bonbons, j’ai une main libre, j'en prends, mon frère aîné aussi. Ma mère, polie, le remercie. Nous repartons. « Pauvre homme tout seul, dit-elle ensuite, Allez, vite, il fait froid ». Les bonbons collent à mes moufles de laine. Je serre mes doigts dessus. Nous tournons vers notre appartement. Et là, ma mère dit « Jetez ces bonbons, maintenant, on ne sait pas d’où ils viennent ». Oh ! Mais ils sont comme les nôtres, ils viennent de chez le marchand ! Un moment difficile s’ensuit. Sans doute doit-elle nous donner d’autres friandises pour obtenir que nous lui rendions les bonbons du monsieur triste…. Je ne sais pas ce qu’a dit mon père lorsque ma mère lui a raconté l’épisode. Si elle l’a fait… Lui, il avait voyagé, défendu les Indiens au Mexique au péril de sa paix avec les autorités, ce dut être un drôle de dialogue.
Vingt ans plus tard - Au printemps, les neiges du Djurdjura fondent et la nature se réjouit, selon nous, qui contemplons cette beauté depuis le seuil de nos maisons au village. Ces cimes enneigées sont belles, mais y aller, par exemple faire la traversée, c’est mieux. Oui ! Partons. Il n’y a pas d’autre mot qu’éblouissement face aux étendues verticales et horizontales du Djurdjura sous le soleil tendre, bientôt vif. Les petits singes font un bout de chemin avec nous puis rejoignent leurs jeux, les chevaux sauvages cavalent leur liberté dans l’air à paillettes d’or et leurs crinières ondulent telle une portée de musique sans cesse renouvelée loin, jusqu’à perte de perception. La Terre est aux vivants qui la respectent, et vivent en bonne intelligence. Dire que dans quelques années, ces espaces inhabités mais pleins seront troués de repaires islamistes, et résonneront d’armes, de prises d’otages et d’assassinats !... Comme durant la décennie 54-62. L’histoire est-elle condamnée à se répéter ? Oui, si le mensonge et l’ellipse ont perduré... Je me souviens encore qu’une armada de nuages avait voilé le soleil, présage ou pas, non non, et alors au creux des pentes avaient fleuri çà et là des oasis de lumière laiteuse ; c’est ainsi qu’ont été inventées les boules de verre lestées d’un paysage précieux. Un grand merci aux bêtes libres et heureuses, et aux terres encore en vie, avec elles j’ai accédé au spirituel d'ailleurs, aux grandes interrogations et aux chemins de recherche, avec les autres. "
Mots de Marie, sur une toile de l'artiste Maïpo "Danse"
Marie Berchoud,
auteure du récit "Le Grand Cargo de la Lecture" (Ed. Le Roi Lire), et co-auteure de l'ouvrage "Ecritures et/en migrations" (Ed. Petra, Paris), notamment le chapitre "Exprimer la migration de ses parents, voies, voix et freins".
Toile de l'artiste Maïpo
et quelques mots de Michel Dunand
Le ciel provençal, d’un jaune ardent, retient sa respiration.
Lazare ouvre un œil, comme à regret, péniblement. N’était-il pas heureux chez lui, là-haut ?
« Résurrection de Lazare ».
Vincent Van Gogh.
Saint-Rémy.
1890.
***
Quel coup de pinceau !
Vincent me sort du tombeau.
Miraculeusement.
Ces mots de Michel Dunand
accompagnent ici la toile de Maïpo, "Non non".
Texte et photographie
Marianne Lages
Aussi loin que le jour veut bien se rappeler
Aussi clair que la nuit en a le souvenir
Il n'est pas de torpeur dont la douleur égale
La taille incalculable de l'immensité bleue
Un peu plus loin encore l'amour et le pardon
J'apprends désormais à regarder le bonheur
Le sourire d'un enfant, le cri du geai des chênes
Un parfum délicieux qui reste dans le cœur
Le bonheur je le crée, ici à tout moment
Tout près, encore plus près, l'espoir, l'inspiration
Marianne Lages,
Comédienne de théâtre.
Toile de l'artiste Maïpo
Textes de Zohra Mrimi
Tu emportes mon indulgence et tes pieds
sillonnent le râble de quelques laves
On marche ensemble et la mer est cet autre
trottoir pour nos arrêts et retards
Je sais voler en écoutant les chants diurnes
de tes au revoir
Je suis la colombe qui absorbe chaque grain
de ta douleur
Le désert est invisible car la chaleur nous suit
comme le chien qu'on câline
Les rêves s'angoissent comme des papillons
qu'on chasse
Mais l'amour ?
L'amour ressemble au prochain jour qui se lève
avec patience
***
Puisque dormir est plein d'eau
Le sommeil est une mer en dessous de l'horizon,
comme une épave
qui attend le calme, le grand sable doré
Et si le sable doré est une femme, la nuit bleue nous ferait voler
Sans ailes, nous serions l'imagination d'un grand ciel
Les pluies valsent avec le grand désert
et nous ?
tantôt algues, tantôt grains, on perce sa voix
Des murmures tombent sur un plancher
Il m'arrive de vous voir allongée
Zohra Mrimi, auteure de "Le jour fait l'adieu" (Ed. Z4).
Texte et dessin
Thierry Le Floch
"De nouveau dans mes pas"
Tu marchais en cadence de ta houle indolente
Compagnons de voyage tes bijoux les plus chers
Déposaient sur ton cœur une grâce opportune
Ta démarche assurée égarait ma pensée
Parcourant solitaire ce temps qui nous sépare,
Le jour s’évanouissait et nous marchions ensemble
Sans entendre le bruit de nos pas dans le noir
Absorbés par nos chants et nos voix dans l’espace.
Sous l’azur étoilé qui brillait dans nos yeux
Les paradis de roses et la plaine endormie
Patientaient en secret l’éveil du rouge-gorge
Les sentiers de la lune racontent ma fortune
Quand reviennent heureux les jours de ma jeunesse
Marcheras-tu bientôt de nouveau dans mes pas ?
Thierry Le Floch
Texte et tableau
Thérèse Cigna
Aujourd’hui je marche à nouveau,
J’irai voir le lac ondulé au soleil,
Admirer tant de merveilles,
M’offrir ce qu’il y a de plus beau.
Hier, accroupie, désespérée,
Les yeux en larmes fixant l’horizon,
Portant un bouquet de pensées,
Cueilli dans un buisson.
Je marcherai à nouveau vers toi,
Foulant l’herbe fraîche,
Ouvrant de nouvelles brèches,
Car aujourd’hui, j’y crois.
Thérèse Cigna,
peintre et plasticienne, auteure de romans
"La Bûche" (Ed. Maïa, collection Entre deux mondes), "L'absolu", "Le journal intime de Migale"...
Acrylique sur toile de Linda Bachammar
"Renaissance végétale"
sur un texte d'Isabelle Contentin
Je pars toujours seule sur les routes et cette solitude absolue reste au fil des années, une évidence.
(...) Grâce à la solitude, je me suis apprivoisée du dedans et, de cette marche longue et dense, le paysage seul a recueilli les vertiges.
Sur les chemins, j'ai connu des extases, des sueurs et des frissons. J'ai chanté, dansé, couru, nagé, pleuré, rêvé au milieu des fougères, de la mousse et des odeurs de foin.
J'ai tremblé sous les bois gelés de l'hiver, j'ai pleuré dans le vent de la neige, j'ai écouté son coton blanc recouvrir tout, et moi avec.
J'ai recueilli en moi pour toujours le silence des prairies au printemps, j'ai bravé des nuits inquiétantes et j'ai goûté enfin la joie, infiniment, d'une solitude habitée.
Isabelle Contentin, pianiste et musicothérapeute,
extrait de son récit "La vie retrouvée".
Linda Bachammar
artiste peintre, toiles présentées sur singulart.com
Photographie de Gaëlle Godart
sur un poème de Dominique Bergougnoux
L'automne jette des ponts
entre l'été en vacance
lumière en pente douce
et l'hiver opiniâtre
Poésie des neiges étincelantes
son souffle givrant
au cœur secret des banquises
Superposition de saisons
La face cachée des étoiles déjà mortes
éclaire nos petits pas d'humains vacillants
Dominique Bergougnoux
auteure du recueil "Dans la tempe du jour", Ed. Alcyone.
Oeuvres qui suivent :
une toile impressionnante d'Isabelle Becker
et les mots de Véronika Viviane, hors du temps, qui l'accompagnent.
Il y a, dans mes souliers,
le souffle et l’aimant de la Terre
qui nous porte et nous pousse
à la rencontre de Ses
Eléments,
L’agilité du poisson et la force de la lionne,
La boussole de l’instinct
Et je me surprends à rêver, parfois,
que nous sommes des dynamos en marche
sur Son grand corps de Reine
dans la joie d’explorer
son ossature de roc, sa chevelure flamboyante,
son regard d’eau vive et son haleine fraîche
Et je La vois se nourrir de nos quêtes
et nous tendre en retour Son étreinte de
Mère,
Il y a, dans mes souliers,
la marche renouvelée,
ces pas de plus, posés l’un après l’autre,
dans le tissage silencieux de
l’Etre
Il y a aussi
toute la grandeur du Cosmos
la puissance des règnes
dans le Vivant,
ce « plus grand que nous »
où naissent nos élans de
pèlerins
Il y a, dans mes souliers,
tout l’Amour à aimer
de mes pieds nus
tout l’enfantement du monde
pour m’approcher
à pas feutrés
de l’unique Secret
qui m’a tant
émue…
Véronika Viviane
sur une toile d'Isabelle Becker.
Texte et photographie
Yacine Boudia, poète kabyle
Sur le chemin d'humanité
contre l'humanité
Un pas de confiance
un autre de peur
On pense à respirer
Pour avoir à exprimer
La poétique de nos poètes
Et tant d'autres écrivains
Yacine Boudia,
Le 11 novembre 2021, place d'Italie.
Texte et photographie
Fayole Molière
Il y a deux ans, une mission entre Paris et Abidjan en Côte d’Ivoire, s’offre à moi. J’accepte sans me douter que cette rencontre avec l’Afrique de l’Ouest allait être le début d’une histoire d’amour. Comme disent les Ivoiriens, « Abidjan n’a pas son pareil » et c’est peu dire !
Jamais une ville ne m’avait autant séduite.
Cette photo date de février 2020, j’étais dans les rues d’Abobo, l’une des treize communes du district d'Abidjan. Dans une de ces rues, tout ce qu’il y a de plus classique dans les quartiers populaires de la ville, mais qui à première vue peut faire peur, je croise cette femme. Quelle beauté !
D’abord surprise voire agacée par ma demande, elle se laisse prendre en photo sans trop comprendre mon intérêt. Il n’y en avait pas vraiment, juste l’envie de garder avec moi la beauté de ce port de tête, la puissance de son regard. Je n’ai aucune compétence photographique, juste un iPhone comme beaucoup de touristes, mais la photo m’a semblé parfaite !
J’aime Abidjan, ses couleurs, sa chaleur, ses odeurs (sauf celles de la lagune !).
J’aime ses rues bondées la journée, désertes la nuit, j’aime son humour, son argot (le rouchi).
J’aime les Abidjanais et les Abidjanaises, toujours prêts à faire la fête et se régaler autour des bonnes tables de la ville.
J’aime leur bonne humeur, leur capacité de résilience et leur amour de leur pays. C’est cet amour du pays, de ses valeurs ancestrales, de sa diversité qui séduit tous les étrangers comme moi ! D’ailleurs, Abidjan est à l’image de cette diversité parfois tapageuse, injuste mais toujours saisissante.
Fayole Molière
Texte et photographie
Virginia Ndodjenan
Le matin du déconfinement.
Il fait beau ce matin, je me réveille
Avec un sourire aux lèvres
Avec un cœur qui aime.
Une belle journée, à l'horizon.
La lourdeur de mon passé se fond dans ma tasse de thé.
Je savoure la vie.
Je commence ma balade avec béatitude
D'un air sémillant et béat
Je tombe amoureuse de l'espoir.
Le soleil sur ma peau ,
Je respire à nouveau
Mes cheveux s'avivent
Je vis et je marche à nouveau
Virginia Ndodjenan,
étudiante en Seine-saint-Denis,
ancienne élève du lycée Voillaume d'Aulnay-sous-Bois.
Texte et photographie
"La maison du petit train"
Siham Bellaha
⁃à cause du confinement
⁃nous ne pouvons plus nous balader tranquillement
⁃sous peine de nous prendre une amende
⁃c’est ainsi qu'il faut être prévoyant
⁃c’est ainsi qu'il faut nous protéger
⁃pour éviter de le propager
⁃pour qu’on puisse remarcher tous à nouveau
⁃se balader, entendre les oiseaux
⁃alors on pourra reprendre le cours de nos vies
⁃sans être poursuivis
⁃je vous écris ces vers
⁃pour vous offrir mon univers
⁃Avant de marcher il faut déployer son imagination
⁃pour éprouver un peu d’animation
⁃ce sera tout pour moi
⁃j’espère que vos pas vous auront laissé sans voix
Siham Bellaha
Etudiante en Seine-saint-Denis
Ancienne élève du lycée Voillaume d'Aulnay-sous-Bois.
Texte et photographie
"Laissez libre la sortie !"
Domi Damian
Laissez libre la sortie !
Circulez ! Y a tant à voir
Liberté liberté chérie
Marche et danse et vient le soir
Peinture "Into the life" et poème
Joseph Noce
Le vœu du sourire
Le fenouil aux dents
Tout petit
Petit
A Sassari
Ou sur Renard
Le terril
J’avais fait au soleil
Le vœu du sourire
Aujourd’hui
A soixante dix printemps
D’herbes folles
Je suis content d’avoir toujours
La vie
En ligne de mire
Avec un bateau à voiles
Dans la tête
Pour l’aviser…
Joseph Noce
Auteur, plasticien, musicien.
Photographie de Gaëlle Godart
Poème de Samia Amar Ben Saber
Marcher à nouveau,
Me mettre à l’écoute des oiseaux,
Déambuler au gré
Des chemins tortueux
En pleine forêt ;
Me faufiler
Dans les feuillages broussailleux
Et sentir les branches m’écorcher :
Banalités pour certains, joie pour moi ;
Moi qui ai connu tout un mois
Le repos forcé à l’hôpital :
Fin de cette trêve automnale
Et de ce ‘voyage du claustré' !
Remis du virus, je suis :
Barbecue ou méchoui,
La santé retrouvée se fête !
Je plaisante ; attendront les braisettes
Et les rassemblements trop fournis,
Car pour l’heure, il y va encore de notre vie.
Samia Amar Ben Saber,
enseignante à Aulnay-sous-Bois.
Texte de George Sand
Photographie
de Karina Cristina Breton
La nature est tout ce qu'on voit
Tout ce qu'on veut, tout ce qu'on aime
Tout ce qu'on sait , tout ce qu'on croit
Tout ce que l'on sent en soi-même
Elle est belle pour qui la voit
Elle est bonne à celui qui l'aime
Elle est juste quand on y croit
Et qu'on la respecte en soi-même
Regarde le ciel, il te voit
Embrasse la terre, elle t'aime
La vérité c'est ce qu'on croit
Et la nature c'est toi même.
Karina est aide-soignante à Quimper.
Sa photographie représente la plage de Beg Meil
dans le Sud Finistère.
Texte et toile
Valérie Perrin
L'existence est immense.
La traversée incertaine.
Comme les blés ou l'orge étendus
sur le domaine du temps.
L'arbre en est le seul témoin.
De son tronc unique.
Ses racines, ses feuilles ne sont jamais pareilles.
Elles apprennent à l'homme, la diversité.
Sans lui.
Le jeu du vent se fait invisible.
Il humanise le paysage.
Sur un duvet de terre fraîche.
Goût mentholé.
Écoute sa vérité.
Elle devient voile de pleurs.
Goût de miel et d'acacias.
Silence pesant.
Sans pudeur, l'arbre ailé dénude le sol..
Il porte nos plaies, en habits gorgés de lumière.
L'arbre transperce les nuages.
Va au plus près des dieux.
Son feuillage déploie leurs sagesses.
Son énergie rappelle notre désinvolture.
Elle encourage la pousse sur nos champs de pierres.
Afin de guérir notre devenir.
Valérie Perrin.