L’Esprit du désert
Poème de Veronika Viviane Dimicoli
Peinture d'Isabelle Becker
Marcher au désert
pour se taire
et confronter la chair
à la roche
Traverser en soi
les couches de sédiments
Chercher la soie
dans les sarments
de soleil qui craquèlent
la peau en écailles de miel
...Il s’approche …
Descendre, plus profond,
dans les puits de sable
où se meuvent les images
d’autres saisons
Descendre, attendre
que cède le corsage
dans la pierre friable
de l’oraison
puis tendre la main
… le silence…
Descendre, plus profond
Jusqu’au fond ?
Jusqu’en haut ?
Au noyau
… où souffle…
Enfin s’épandre
Enfin s’étendre
en haleine de terre
et d’air
... l'Esprit du désert
Texte de Veronika Viviane Dimicoli
Toile d'Isabelle Becker
intitulée
"Je bats comme des cartes Malgré moi des visages,
Et, tous, ils me sont chers. " (Jules Supervielle)
aux lendemains
qui ont déjà mille ans
et tant et tant de visages
passés au goût de Présent
...En suspens…
Descendre, plus profond
aux croisées des regards
où l’écorce charrie
des lumières d’alluvions,
où le loup sourit à l’agneau
où le blanc s’ouvre au noir
où la femme et l’homme s’allient
aux voix de leurs os
… il s’élève…
Descendre, plus profond,
dans la gouaille tellurienne
aux accents de conteuse
antédiluvienne
amoureuse
des règnes de Sa Création
qui l'ensemence
Toile de Thierry Le Floch
Texte du poète kabyle
Yacine Boudia
Il rend le goût d'être sans lien
Le désert d'esprit
Il erre pourtant sur le pilier de nos dynamiques
Tordues
Mais il a perdu le sens
de revenir sur ses racines
Dans leur désert
Yacine Boudia
Hauts soleils
Texte de Milène Tournier
Toile d'Elodie B.
Et quand, en fin de désert, on t’attendra face
Déhanche-toi le cou,
Ta malice lasse
De vieille amazone éclatante
Qui tient son bébé comme un fennec par les oreilles
À deux doigts secs
De tomber, hisse
Une sorte de cri
De tes poumons brûlés, sous les seins un peu fiers - de la fierté de quelqu’un d’autre -
Naître c’est
Qu’un orage nous emprisonne
Les pieds.
Mourir aussi
C’est toujours sa main et
Quelqu’un d’autre -
Comme s’écroule l’orage
Sur la ville à côté
Tandis qu’ici le plein ciel bleu de face.
On ira,
Demain,
Planter à la faux à la main
De hauts soleils en ligne
Dans le grand champ noir.
Promesse, promesse
D’amie ma sœur.
Milène Tournier,
auteure de "Poèmes d'époque" (Ed. Polder), et aux éditions Lurlure "L'autre jour" (parution le 14 septembre 2020).
Texte de Zohra Mrimi
Toile de Linda Bachammar
"La croqueuse d'encre" - Encre sur papier japonais
Je peux te voir à travers l'épaisse nuit qui te défigure
J'irai marcher sur son ventre pour libérer tes formidables gestes
Tu rends à la lune ses dents d'or
Et des nuages calmes et emplis de pouvoir couronnent ton souvenir et me laissent toutes les villes,
Rives inutiles et vides
La frayeur se fixe comme un anneau sur les cimes, sur mon coeur
Il me semble parfois que tu brûles mes lèvres, ton scorpion y verse son venin et meurt
Aujourd'hui j'emporte la mer, ton coeur est un coquillage, une algue qui tire l'aurore
Je fais vite car mes mains tremblent sur ta tête
L'eau noire glisse déjà sur ta chevelure et rêves
Zohra Mrimi,
auteure de "Le jour fait l'adieu" (Z4 Editions)
Texte de Gaëlle Godart
"Oser être"
Toile de Joseph Noce "L'oeuf du jour d'après"
Quand l’esprit du désert fait célébrer la vie...
La vie nous a offert un instant de pause, pour se réconcilier avec soi-même et avec le monde. j’ai pris le chemin de mon propre désert quelque soit le lieu de la maison où je me trouvais. Inviter l’imaginaire comme un artiste prend sa palette de peinture et attend devant la toile blanche.
Entrer au fond de soi, apprendre à se connaître, se reconnaître. Un seul objectif durant cette errance profondément désertique : se réconcilier avec soi-même, oser être ce je, oser ses rêves. Quelle belle mission n’est-ce-pas ?
Se saluer plus longtemps dans la glace. Tiens, bonjour toi, ça va ? Ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas revu. Pas que tu ne m’intéressais pas, mais tu sais ; j’avais si peu de temps… la vie, le boulot, tu me comprends.
Je te salue « femme que tu es devenue » oh là tu as un peu vieillie non ? Quelques cheveux blancs, des petites rides de malice au coin des yeux. Le temps de la jeunesse a vite passé.
Acceptes- tu ce rendez vous avec toi durant cette traversée du désert ? Faire de ton corps un temple lumineux et en prendre soin.
Veux tu ressentir cette chaleur pour rayonner d’un feu sacré ? Et que ta présence au monde soit le reflet solaire d’amour aux multiples couleurs. Dépasser les frontières, se sentir portée par ce flot utopiste et inventer un quotidien aux saveurs sucrées.
Oh ma douce et merveilleuse, tout en authenticité et vérité d’être, instant d’intenses émotions, porteuse d’espérance, de tendresse à l’égard de l’autre. Durant ce cheminement désertique, admirer, s’émerveiller, respirer, prier, chanter, aimer. Être solidaire de tout homme et tout femme du monde,un seul mot pour guide « amour » Et pour demain, c’est avec une foi ancrée, engagée, amoureuse comme un voyageur qui passe et découvre la beauté du monde qui l’entoure comme une poésie, du simple au galet qui s’échoue sur la plage, à la fleur qui sort du bitume, à l’arbre qui embaume à l’homme et célébrer la vie.
Gaëlle Godart
Texte et photographie
de Samia Amar Ben Saber
Le cérémonial du thé
S'accorder un moment de curiosité, goûter à l'instant T : vous êtes invités à prendre un bon thé. Ne le refusez pas, s'il vous plaît : les Touaregs en seraient offensés, eux pour qui le breuvage du désert est la boisson de l'hospitalité. Tout un cérémonial pour procéder au thé du désert, tout un art avant d'en puiser les saveurs. Selon le proverbe touareg, 'trois conditions pour faire le thé : le temps, les braises et les amis.' Le secret est dans un bouquet de menthe fraîche aux feuilles si parfumées et entêtantes. Quelques grains de thé ébouillantés pour en soustraire l'âpreté et un bel éclat de pain de sucre pour une certaine authenticité.
Chez les Touaregs, la cérémonie des trois thés constitue un rituel délicatement mené : on ébouillante, on transvase, on verse pour déguster. D'abord de couleur ambre, il se fait plus clair et plus sucré au fil du procédé. Une tradition encore attentivement respectée : l'aération du thé, grâce à cet ample mouvement du bras en hauteur donnant l'effet d'un ressort. Monter la théière, puis la descendre tout en faisant couler la boisson permet, dit-on, de miser sur une plus grande légèreté ; un thé mousseux, écumant, désaltérant : à siroter chaud, sucré et par petites gorgées. SanTHÉ !
Samia Amar Ben Saber
Photographie personnelle et 100% voillaumienne
(prise le 3 juillet 2020, en salle A103
au lycée Voillaume d'Aulnay-sous-Bois)
Texte de Marine Levaray
Toile de Claude Bolduc
Le désert, la qualification même de la beauté.
Parmi cet océan de grains, vous, les Oasiens, cherchez l’espoir, la force et la survie.
Vous vous devez de trouver cette source qui vous est rare mais pourtant si commune au-delà du continent.
Cette quête est quotidienne. Chaque jour se révèle être un nouveau combat où la notion de “défaite” ne peut être envisagée.
Mais cette pauvreté, vous ne vous en plaignez pas. Elle résonne comme une composante de votre culture.
Gaspillage, consommation excessive ou caprice vous sont inconnus. Chez vous, les valeurs prônées ne sont pas individualistes. Le partage, la bienveillance et le soutien, qu’il soit physique ou moral, sont qualités depuis votre plus jeune âge.
Sûrement la bourgeoisie devrait-elle s’incliner devant votre riche sagesse.
Marine Levaray
Texte de Marie Berchoud
Toile de Maïpo, "Femme aux lèvres rouges"
Désert, souvenir d’éveils
Le lycée donne sur le désert, autre nom pour terrains vagues, futur terrain à lotir ou extension du bidonville, aujourd'hui encore terre à moutons. Il n'y a rien à voir et les élèves y perdent leur regard en miroir intérieur, certains professeurs aussi. Descendus de l'Atlas les bergers ne chantent plus, ils sont arrivés au vu de cette ville ouverte leurs moutons au cul qu'ils s'obstinent à chasser toujours plus loin devant, Casa peut-être et jusqu'à la mer qui s'appelle océan, une torture de sel et soif. Leur démon est la sécheresse, qu'ont-ils fait qu'on ne rachète que par la vie ? Désert. Les professeurs consciencieux interdisent aux élèves de regarder par la fenêtre, de quoi les faire crever.
Mais, dit Ionesco, Il faut regarder par la fenêtre, et ça marche, ils entravent tout de suite (pas dit que je débute). Et eux, leurs silences : si on ne regarde pas au loin, on crève, car tout le monde s'en fout de nous, on est rentrés au lycée mais pourquoi, et après, rien. Oui, ils ont réussi, poussés, levés, portés, parfois hissés et accompagnés par toute la famille, ils ont réussi à entrer au lycée pour y apprendre, avec le français, les lois, codes et mots de passe de ceux qui n'échouent pas ; y apprendre, pardon y prendre le papier nommé baccalauréat. Désert.
Au cinéma. En route pour la gloire, David Carradine fait revivre l'épopée de Woody Guthrie durant les années trente, la grande Dépression aux US, on en parle en classe, je dis que j'aime aussi cette musique. Savent-ils qui ils sont (et nous alors ?), tous retiennent et fredonnent ce chant profond des hommes, Ce que je suis, je veux l'être. Après, vient L'Ange bleu, avec la Dietrich, film qui les rendra muets. Ils attendent, nous attendons tout des images, yeux grand ouvert par le kif, bouche gourmande mains qui s'ouvrent et se ferment sur du vide. Sauf que, éducation et habitude, je maîtrise mieux les apparences : pas un atome d'émotion sur le visage lorsque Raki s'installe devant son derbouka pour prendre la parole, entre chant, lecture et récitation, avec Thoreau :
Le temps est la rivière où je vais pêcher…. Peu profond, je bois son eau. Mais l'éternité demeure… J'aimerais boire plus profond, pêcher dans le ciel semé d'étoiles.
Je ne peux compter jusqu'à un. Je ne connais pas la première lettre de l'alphabet.
Après l'ultime séance les élèves s'en vont par les ruelles et tardent à rentrer au nid où la mère a enfin quitté ses voiles et dort ou non sous le père qui râle tandis que la ribambelle vivante dont ils constituent le capital maillon s'entraîne à dormir, serrant précieusement contre son nez sa bouche un quignon de pain enduit du cirage qui défonce. Après, donc, ils s’en vont en roulant les épaules, hanches balancées façon mafia et à trois gaillards tiennent toute la route. L'un a du kif, ou du haschich, l'autre de la colle à rustines, l'autre encore du coca-alcool à brûler, et le dernier n'a que ses paroles et ses poings. Ils finiront par rentrer, il y aura des éclairs au ciel et dans la tête avec des trous dans la chaussée, brièvement ils seront seuls, ces choses arrivent.
Marie Berchoud,
auteure du récit "Le Grand Cargo de la Lecture" (Ed. Le Roi Lire), et co-auteure de l'ouvrage "Ecritures et/en migrations" (Ed. Petra, Paris), notamment le chapitre "Exprimer la migration de ses parents, voies, voix et freins".
Texte et illustration
de Thierry Le Floch,
"Les ailes du désert"
Il contemple la terre au sommet de ses monts
Cet oiseau qui voyage de coteau en colline
De l’orient au ponant jusqu’au dernier rayon
De la montagne aride jusqu’au fond des ravines.
C’est le vautour puissant qui vit sur la falaise
Il profite des courants pour s’élever dans l’air
Migrant quand il est jeune vers l’Afrique, sa fournaise
Quand son cri se perçoit dans le vide du désert.
Seul spectre de l’azur il s’élance dans l’espace
Maître des hauts sommets et de leurs fiers remparts
De son œil aiguisé il suit toutes les traces
Ainsi plane son ombre au-dessus des regards.
Thierry Le Floh
Texte et illustration du roman noir
"Le chant des dunes"
de Perrine Le Querrec et Lalie Walker
Juillet 1955
Algérie, désert du Sahara
A croire, songeait-il en s'épongeant le front, qu'une main invisible avait déroulé et tendu une peau. Puis l'avait étirée à l'infini, sur des centaines et centaines de kilomètres. Une peau rugueuse et fourbe, ou bien étonnamment douce, mais toujours mouvante. Veloutée par endroits comme la peau des femmes, et aux courbes envoûtantes, mais tout aussi porteuse de mirage et de désillusion que certaines conquêtes de son passé.
Dans la touffeur du désert, le lieutenant-colonel Franck Parker progressait d'un pas mesuré. S'obligeait à faire crisser les grains de sable contre le rail blanchi par le soleil, pour avoir l'impression de ne plus être seul dans ce monde monochrome et accablant de chaleur. Pour éprouver ne serait-ce qu'un vague sentiment de contrôler encore les éléments, à défaut de maîtriser sa vie qui pourrait partir en fumée, ici, en pleine purée de sable.
Perrine Le Querrec,
premières lignes du roman Le Chant des dunes,
Ed. La Manufacture de livres, 2011.
Auteure de nombreux recueils : Ruines, Les tondues,
Rouge Pute, La Bête, son corps de forêt...
Toile de Maïpo, "Homme-serpent"
Texte de Fazia Raja
Clameur
Cash cash extinction cache
Peuple ô combien calfeutré
recalculé au millimètre
dans les granges de poussière
cash ta cabosse en plein air
les poches pleines
d'hulule de trafic
d'armes lourdes
Art aar Arthur à la jambe
coupée
sera toujours
mercenaire inaccompli dégonflé
dans le commerce des sables
des armes et dromadaires
des femmes et des mendiants
peuple poussif
meule marchandise
lourde de briques et de brocs
jamais tu t'en sortiras poète
dans le désert aride
des branques et mitrailles
des braqueurs d'or
où même les scorpions ne font plus la loi
où le soleil est faible
pauvre diamant, faussaire antique
pâle révolte
sur la crosse d'une kalache
Texte de Dominique Bergougnoux
Dessin de Philippe Pasquini
La féerie est ailleurs
dans le sel du langage
dans la soif épicée venue du désert
dans l'orient des femmes
Quand la blancheur du sable
fait pleurer les yeux
Dans la pépite d'or et le feu du silex
dans la lumière décapée
dans les tressaillements ultimes
des corps
sous le sable
du temps
à l'heure reptilienne
Dominique Bergougnoux,
Auteure du recueil "Dans la tempe du jour" paru en février 2020 aux éditions Alcyone.
Nombreuses parutions dans les revues littéraires
Recours au poème, Le Capital des mots, Lichen...
Toile de Maïpo "Oiseau Lune"
Texte de Samia Amar Ben saber
L'oiseau-lune
Chute dans le noir,
Instants éprouvants - miroir
De l'élasticité de la vie :
الدنيا دوارة.
À l'hôpital - ma santé est atteinte.
En solitaire, sur le lit, contraintes et craintes ;
Pas d'espoir sans crainte, ni de crainte sans espoir.
Sur mon ventre bedonnant,
Un oiseau pour le moins étonnant
Se pose - hypnose ;
Le plumage écaillé,
De violet teinté,
Silhouette découpée
Sur le bleu du ciel ;
Mon esprit et moi entrons en duel.
Exceptionnel ou irrationnel ?
Réel ou virtuel ?
عجائب وغرائب
L'oiseau a la huppe foisonnante,
Comme accrescente ;
Une lueur la perfore, ô douceur
De la pleine lune !
Ballon d'or à l'état de parachèvement.
L'oiseau-lune, éclaireur et rappeleur :
Après l'épreuve, affleure le soulagement.
Je rêve de vacances à l'Orée de la Dune :
Signe que l'espoir m'habite,
Reflux des pensées parasites.
Oeuvre de Thérèse Cigna, bombe street art
Texte de Faye Faye
Sundance
La main portée en visière
loin
on apprend mieux à contempler
quand on jouxte avec le temps pétri
d'ors brûlants
les pieds rentrés dans la pierre
on apprend à contempler
le ventre et les hanches des dunes
tournoient
onguents démentiels
pavane infinie
d'ondes ardentes
elle sera
contre vents éclairés
l'épousée à jamais
l'immobilité des vagues
puis soudain
le tourbillon déploie ses palmes
et l'hélice enflamme
tous les yeux fragmentés du sable.
Texte et toile de Thérèse Cigna, "L'animal du désert"
Le prophète du désert.
Un jour, il était monté sur le plus haut rocher de la vie, ses pieds étaient blancs de pureté, ses yeux fixaient le vide, son cœur touchait les cieux, le soleil chauffait sa voix.
Il tenait dans sa main gauche : la mort et de la droite, une verge, celle de la sagesse.
Le prophète avait crié dans le désert, même les rapaces ne l’écoutaient pas.
Le sable brûlait ses pieds, il prédisait la mort, il disait aux hommes de voyage de se repentir, il pleurait pour eux, le soleil séchait ses larmes.
Les vendeurs de chameaux le considéraient comme fou, Certains lui jetaient du sable au visage, mais le prophète poursuivait son chemin, arpentant les dunes et les rudes routes, les pieds en sang, il n’arrivait plus à marcher, mais la foi le poussait à continuer, il disait que Dieu voulait cela.
Un matin, il n’a plus continué, il s’est éteint près du rocher.
Depuis, une voix s’élève dans le désert, effrayant les marchands de chameaux. Certains disent que c’est l’esprit du prophète qui vient hanter le désert.
Thérèse Cigna, texte écrit à seize ans
peintre et plasticienne, auteure de romans :
"La Bûche" (Ed. Maïa, collection Entre deux mondes), "L'absolu", "Le journal intime de Migale"...
Huile sur toile de Rudolf Hellgrewe
"Caravan passing through a wadi"
Texte de Mary Newcomer
Indomptable le désert.
Il avance avec ses alliés,
Le soleil et le vent.
Un océan de sable,
Une marée haute permanente.
Et les hommes qui lui résistent
Prennent appui sur sa grâce,
Où le mot 'pardon'
Ne s'écrit jamais,
Trop vite effacé par les dunes.
Toile de Charlotte Massip
Texte de Larissa Dib
Hymne au corps
La chair des sables
est partage assidu
de sorts plaqués sur la langue
mâche un parler guttural
sans eau
c'est la terre vive
quadrillée en rêves de pluie
seuls et sans détresse
oubliés des scorpions
seuil de l'ordre et de l'ample
c'est la course démesurée
sans conquête
entre les plis
les paumes ouvertes d'un volcan
sans feu
seul et sans détresse
enflée la douce panoplie
sans horizon
les doigts du soleil
dans mon oeil qui Voit
في عيني
Photographie d'objets issus du soleil
d'Australie, d'Algérie (Françoise B.)
Texte de Larissa Dib
Yeelen
la pluie diluvienne des graines
ne décolère pas
mais coule l'envers
du remords
ouvre la bouche, lune
cacophonie de sirocco
boomerang au coeur
dans le bleu indigo
des petits tapis roulés
sur le ciel
la tête écoute le feulement des insectes
immenses et longs qui circulent
sous le coeur
c'est la pleine odeur du tajine
qui rentre dans les jambes
qui décentre et la plaie et le cri
rien n'est plus safran de souffre
tout chante la lumière
أغنية النور
"Rouge", toile d'Isabelle Becker
Texte de Françoise Breton
Les Filles d'Hélios
Chamailles des vents
les filles à bras ouverts
semences d'ivres
flash-floods
portent aux défunts
dans la coupe d'eau salée
des secrets de longue vue
encanaillés de plomb
debout sur le ventre des sables
comme à l'est du tombeau
elles ouvrent
les sarments de toiles
embataillés de brise
les feuillages ne sont plus lisières du souffle
mais des voiles et des gandouras
fiancés des visages
enduits de khôl et de prières
qui s'enlisent dans un coeur rouge
temps brut et ferraillé
et la sueur fantomale des pierres
se condense en fines gouttelettes de suc
car elles marchent, les dunes flottantes
plaines en suspens
où les roches caracolent
et fusent en si légers débris
que ton sourire crevasse
la plaie à nu des roches
agave et yucca mâchant tout le jour
la tête à l'ombre d'un cactus
quand la salive durcit
et les morts s'évaporent.
Photographie de Serge Teixeira
Texte de Fazia Raja
Hanté de haine de crocus et de cris
n'oublie pas qu'il existe le large espace
qui ne définit plus rien
que la source à l'oasis
tout y est désert
saturé d'astre amaigri ravagé
l'argile et la poussière
sont tous les débris abandonnés
des haines humaines
Hanté de peur d'arc et de douleur
n'oublie pas qu'il existe le large espace
qui ne retient plus rien
que la source à l'oasis
tout rentre dans le sol
imberbe et dépouillé
ver de cratère
sac crevé
poudre de météores
Là s'enlise la flèche austère
du pouvoir et des ordres
Alors sois le retour au corps
célèbre le feu
de tes entrailles jaunies
tu seras enfin traversé
Quiver-Tree dans le désert de Namibie
Texte de Michel Dunand
Le désert
est parfois
mon prochain
nous parlons
le silence
un langage
intérieur
un dialecte
inouï
*
Le désert
m’a donné
sa tendresse
une oreille
infinie
quel soleil
en secret
nous unit
pour la vie
Michel Dunand
Oeuvre de Thérèse CIGNA
Texte de Thierry Le Floch
"Les Hommes du Désert"
Le temps s’est arrêté, entouré de silence
Hors de la multitude pour ne pas réveiller
Dans cette immensité l’oisive nonchalance
Des hommes du désert dans l’ombre du passé.
Ils ont, eux, délaissé les remparts de verdure
Car l’horizon suffit à leurs yeux ombragés
Pour fixer par instinct des bornes à la nature
Quand le soleil couchant s’endort dans sa beauté.
Loin de la servitude en ces terres inconnues
Agréables déserts, paisibles solitudes,
Les nomades à pas lent, clairvoyants reconnus
Recèlent des secrets d’une grande mansuétude.